18 avril 2024

Chostakovitch (OCP) : festival de contrastes

Peut-on décrire en deux mots le beau concert qui a eu lieu le vendredi 19 janvier au Théâtre des Champs-Élysées ? Sous la direction du chef Thomas Dausgaard, l’Orchestre de Chambre de Paris nous a présenté le Concerto pour violoncelle n°1 en mi bémol majeur de Chostakovitch avec le splendide Jian Wang en tête, et la version de 1877 de la Symphonie n°2 en ut mineur de Bruckner. Gros plan sur le concerto de Chostakovitch qui nous a particulièrement plu.

Le Concerto pour violoncelle n°1 en mi bémol majeur fut créé par le jeune Dmitri Chostakovitch pour son ami Mstislav Rostropovitch, qui apprit le morceau en quatre jours seulement ! Contrairement à la symphonie de Bruckner, œuvre romantique très accessible par sa sonorité, grandiose, parfois monumentale avec de beaux rebondissements dramatiques rappelant le « symphonisme » de Beethoven, le concerto de Chostakovitch, au caractère sarcastique, nous étonne par ses harmonies contemporaines. Écrite au XXe siècle, sa musique peut paraître quelque peu confuse et trop « compliquée ». Effectivement, les notes chez lui ne composent pas uniquement une mélodie, mais très souvent nous cachent une signification symbolique.

Chostakovitch a vécu et créé à l’époque stalinienne, quand toute pensée différente de celle du régime était sévèrement punie. Souffrant du contrôle permanent et de l’impossibilité de s’exprimer librement, il trouve, comme nombre de ses contemporains, refuge dans la créativité : c’est dans ses œuvres qu’il dissimule ses vrais ressentis, ses douleurs, ses peurs.

Chostakovitch décrit lui-même son œuvre comme une « marche ironique ». Néanmoins, la tonalité satirique du concerto est perturbée par le deuxième mouvement, Moderato qui, lui, n’a rien d’ironique. C’est un morceau lent et envoûtant, très personnel et contemplatif. Il faut plonger plus profondément dans l’univers du compositeur et son époque pour essayer d’entendre ce qui n’a pas été dit à voix haute, pour découvrir entre les lignes ce que nous masque l’un des plus grands compositeurs du XXe siècle.

Cette fois, c’est le talentueux Jian Wang qui nous a présenté sa version de ce chef d’œuvre. Le violoncelliste chinois, qui a quitté son pays natal en 1985, s’est fait connaître la première fois à l’international grâce au film De Mao à Mozart, du réalisateur américain Murray Lerner, qui racontait la visite d’Isaac Stern en Chine en 1979, au début de la « révolution culturelle ». Âgé de 12 ans à l’époque, Jian Wang apparaît dans la dernière séquence, jouant devant le grand violoniste. C’est le premier film documentaire sur la musique qui a reçu un Oscar, en 1981, dans la catégorie « meilleur documentaire ». Ce vendredi, Jian Wang nous a interprété le concerto de Chostakovitch avec le regard d’un musicien mûr et expérimenté, parfaitement accompagné par l’Orchestre de Chambre de Paris (mention spéciale à la sonorité fascinante des cordes), sous la direction du Danois Thomas Dausgaard, magnifique chef d’orchestre du BBC Scottish Symphony Orchestra, entre autres.

Une soirée de qualité, comme le Théâtre des Champs-Élysées sait nous en offrir !

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