19 avril 2024

« Mère et fils » de Calin Peter Netzer

Long métrage saisissant signé par le discret réalisateur roumain Calin Peter Netzer, récompensé de l’Ours d’or à la Berlinale 2013, Mère et fils (Pozitia Copilului en v.o.) dresse deux portraits : celui d’une Roumanie post-communiste où règnent corruption, bourgeoisie malsaine, inégalités dégoulinantes ; celui d’une mère à l’amour si fort qu’il en devient étouffant, épuisant, détestable.

Cornelia a 60 ans. Elle est architecte et fait partie de la classe aisée du nouveau Bucarest. Diamants, fourrures et champagne ponctuent un quotidien qu’elle gère d’une ferme poigne. Femme de tête, elle apparaît dès les premières secondes comme une matriarche autoritaire et suffisante, personnage clé et pilier du film. Admirablement interprétée par Luminita Gheorghiu (déjà vue dans Au-delà des collines ; 4 mois, 3 semaines, 2 jours), Cornelia a un amour, une obsession : son fils Barbu. Agé de 34 ans, ce grand gaillard peine à se libérer de l’emprise castratrice de sa mère. Il lui parle et la voit le moins possible ; mais, malgré la distance, et par l’intermédiaire involontaire d’une femme de ménage manipulée, l’œil maternel est partout.

Au détour d’une soirée mondaine, Cornelia, que la caméra ne quitte pas un seul instant, apprend que Barbu a eu un accident de voiture. Il n’est pas blessé, mais il a percuté et tué un adolescent, fils d’une famille modeste aux antipodes de son petit royaume. Elle met alors en œuvre tous les moyens dont elle dispose pour dispenser son rejeton de la prison et de l’humiliation.

L’image est abrupte, nerveuse, au plus près des gestes et des regards. Caméra à l’épaule, Calin Peter Netzer nous attire au creux de l’intimité et parfois de l’indécence de cette relation pathologique entre une mère et son fils – le père et mari étant relégué au rang de simple spectateur.

A bout de force, épuisée tant par les deux heures de tension entre les deux protagonistes que par le mouvement permanent de cette image hyper réaliste, la spectatrice que je suis a eu besoin d’un peu de temps pour reprendre son souffle, mais sans aucun regret.

Marie

J'aime prendre le train, lire et marcher en même temps, manger des gâteaux chinois au soja achetés dans un magasin douteux de Belleville, cueillir des mûres, lire des histoires de princesse à mes princesses, lire des histoires de prince à mon prince, zoner dans les boutiques de musée, dénicher des aimants de frigos ringards à la fin des voyages, écouter Glenn Gould et Nigel Kennedy, faire du vélo en jupe avec le vent de face…

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