19 avril 2024

« La Tragédie d’Hamlet » à la Comédie-Française : Shakespeare, tu en penses quoi ?

Excitée et impatiente, tenant fébrilement entre mes doigts les deux enveloppes remises par MarCel il y a plusieurs mois maintenant, je me suis rendue à la Comédie-Française pour une représentation de La Tragédie d’Hamlet de William Shakespeare, mise en scène par Dan Jemmet (Les Précieuses ridicules, Richard III, La grande Magie), trublion britannique souvent qualifié de « professionnel de l’irrespect ». Je suis perplexe…

Etrange décor que celui de ce bar lugubre des années 70 pour accueillir une pièce déjà mille fois interprétée. On imagine alors une version brillant  par l’originalité de son parti-pris, portant haut le texte de Shakespeare, le transcendant par un regard neuf. Bref, une redécouverte. Pourtant, la cohérence ne saute pas aux yeux, et les premières minutes sont un peu laborieuses. Le trait caricatural est grossi à l’extrême, les comédiens sur-jouent des personnages bloqués dans un étrange espace-temps se situant à la fois au XVIIème et au XXème siècle. On n’est pas loin du vulgaire, du mauvais goût, de la débauche.

Le voilà, finalement, le lien avec la tragédie du Prince de Danemark : la décadence, les repères qui s’effondrent, les liens qui se délitent. Et au coeur de cette société poisseuse, il n’est qu’Hamlet pour continuer d’incarner les valeurs qui étaient celles de son père, trop vite enterré, trop vite oublié, mais dont le spectre – particulièrement bien interprété par Eric Ruf – hante les pièces sombres d’un disco-club sinistre.

Oui, Hamlet, survivant fidèle d’un roi empoisonné, bouleversé dans son âme, dans son corps, dans sa vision. Les quelques grands moments – car il y en eut tout de même –  qui ont plongé la Salle Richelieu dans un silence suspendu, furent ceux pendant lesquels la voix de Denis Podalydès a résonné. En effet, si le reste de la troupe n’est pas parvenue à séduire et à convaincre, Denis Podalydès incarne merveilleusement un Prince Hamlet côtoyant pendant trois heures la folie et le désespoir, glissant parfois vers l’ironie et l’humour noir dont on sent bien que, mieux exploités, ils auraient donné à cette mise en scène de Jemmet une toute autre dimension.

Certes, on ne peut pas dire qu’il s’agisse là de la plus belle interprétation de l’oeuvre de William Shakespeare. Ce n’était d’ailleurs sans doute pas l’intention du metteur en scène. Son désir de retranscrire la tragédie dans des temps modernes paraît gratuite et parfois moqueuse, même si, en étant très concentré et plein de bonne volonté, on entrevoit les liens avec l’époque lointaine à laquelle le texte renvoie. Outre rappeler à notre souvenir la puissance et le talent de comédiens bien trop discrets, cette version pseudo-contemporaine de La Tragédie d’Hamlet a au moins le mérite de (re)donner envie de se plonger dans les mots originels de l’auteur, et d’y relire encore l’humanité et ses déviances.

Pour en savoir plus :

Marie

J'aime prendre le train, lire et marcher en même temps, manger des gâteaux chinois au soja achetés dans un magasin douteux de Belleville, cueillir des mûres, lire des histoires de princesse à mes princesses, lire des histoires de prince à mon prince, zoner dans les boutiques de musée, dénicher des aimants de frigos ringards à la fin des voyages, écouter Glenn Gould et Nigel Kennedy, faire du vélo en jupe avec le vent de face…

Voir tous les articles de Marie →

Laisser un commentaire

En savoir plus sur le monde en nous

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading